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Vivre avec une maman agoraphobe : le témoignage de ma fille

  • Le journal
  • 8 avr.
  • 21 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 avr.


Bonjour et bienvenue dans ce 39e épisode du journal d'une agoraphobe.

On est toujours en plein cœur du défi JANVOIX. Un épisode par jour, tout le mois de janvier, avec à chaque fois une petite contrainte originale. Aujourd'hui, la consigne est plutôt sympa : « Collabore avec un invité inattendu pour un épisode spontané ».


Hier, j'abordais la fois où j'ai lâchement envoyé ma fille acheter une tablette de chocolat parce que je n'étais pas en mesure d'y aller, tellement des centaines de scénarios catastrophes tournaient dans ma tête. Donc, sans transition, l'invité du jour sera ma fille. Elle a 21 ans aujourd'hui, mais à l'époque de ma première attaque de panique, elle était au collège. C'était l'été de son passage en quatrième.


Retranscription de l’interview :


MOI : Donc tout d'abord, ma chérie, je te remercie énormément de collaborer avec moi à ce podcast et ça me fait extrêmement... mais tu ne peux même pas imaginer à quel point ça me fait plaisir de te recevoir sur ce podcast aujourd'hui.


MA FILLE : Et moi je suis contente d'y participer, ça peut être intéressant.


MOI : On va aborder toute la période durant laquelle j'étais malade pour avoir plus ou moins ton ressenti et puis finalement aussi qu'est-ce que tu en as gardé aujourd'hui. Donc pour commencer ma chérie, comment as-tu compris ce qui se passait à l'époque ? Je ne me souviens plus vraiment bien si je t'ai expliqué ou si tu as deviné toute seule.


MA FILLE : Alors... Cette question, je pense que c'est ni l'un ni l'autre. Je pense que j'ai... Je n'ai pas le souvenir que tu ne m'aies expliqué. Et je n'ai pas le souvenir forcément d'avoir compris non plus parce que je pense que c'est quelque chose qui est assez précis et niche pour être compris naturellement. Je pense que j'ai plus fait avec, en fait. J'ai remarqué les situations qui étaient faisables, les situations qui ne l'étaient pas, ce qui posait problème et ce qui ne posait pas problème. Et je pense que j'ai fait avec. Sans réellement chercher de cause ou de raison à ça. Je ne pense pas que j'ai eu une explication ou une compréhension réelle de la chose jusqu'à beaucoup plus tard, jusqu'à presque quand ça a été fini finalement.


MOI : Qu'est-ce qui te semblait le plus dur à vivre au quotidien ?


MA FILLE : Le plus dur à vivre au quotidien, ça serait justement de ne pas forcément comprendre. Parce qu'à l'époque, j'étais quand même jeune. Je n'avais pas la maturité que je peux avoir maintenant ou qu'un adulte peut avoir. Et je pense que ce genre de conditions fait qu'on peut être plus angoissé ou plus tendu, ce qui fait que régulièrement, il y avait certaines réactions que tu pouvais avoir avec moi qui n'étaient pas forcément dues à moi, et des choses que sur le moment, quand on est jeune encore une fois, on ne comprend pas nécessairement. Donc je pense que finalement, ce qui me semblait le plus dur au quotidien, c'était certaines de ces réactions qui étaient... qui n'avait pas forcément de rapport avec moi, mais dont je ne comprenais pas qu'elle n'avait pas de rapport avec moi, et qui du coup était compliquée à comprendre, à avaler, à garder en tête, parce que ça peut être marquant, et il m'est arrivé de le prendre personnellement pour des choses qu'il n'avait finalement... pas vraiment de rapport avec moi, où la réaction était disproportionnée. Et ce qui fait que du coup, ça peut être justement angoissant pour quelqu'un de plus jeune de pas toujours savoir sur quel pied danser, parce que certaines fois je pouvais avoir le même comportement et avoir aucune réaction, et certaines fois ça pouvait être une réaction tout à fait atypique. Donc je pense que c'était ça le plus dur à vivre, c'était parfois marcher sur des oeufs, sur des... Choses qui finalement n'avaient pas de rapport avec moi. Sur le concept, je dirais qu'à l'époque, à certains moments, la phrase que tu disais le plus, c'était que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Et je pense que ce que je ne comprenais pas à l'époque et qui est justement dure à vivre, c'est de comprendre que ce n'était pas forcément toujours moi qui avais rempli le vase. Que j'étais juste la goutte d'eau. Ce qui fait que la réaction avait rapport avec tout le vase qui ne venait pas de moi.


MOI : Tu as tout à fait raison. Donc effectivement, je précise, j'étais pas... toujours de bonne humeur et pour un verre renversé ou pour trois gouttes d'eau d'un verre renversé, je pouvais m'énerver contre une enfant qui à l'époque n'avait que 13 ans.


MA FILLE : Rien de particulièrement grave mais juste parfois difficile à comprendre en fait. C'est surtout ça, c'est qu'à 13 ans on a quand même une certaine conscience et donc on essaie de chercher et comprendre les situations et c'était des situations qui, sans connaître les raisons, les tenants et les aboutissants. On ne comprenait pas et ça pouvait mener à beaucoup de réflexions et d'angoisse à certains moments.


MOI : Est-ce que cette période t'a appris quelque chose sur toi-même ou même sur la vie en général ?


MA FILLE : Alors, je pense que sur moi-même, ça m'a appris que je peux être indépendante et je peux gérer beaucoup de choses. Ça m'a appris à tenir mes responsabilités. Je pense que oui, ça m'a appris beaucoup d'indépendance et ça m'a appris que j'étais quand même quelqu'un de relativement fort, plus que ce qu'on peut se l'imaginer à cet âge-là. Et sur la vie en général, je dirais que ça m'a appris à plus... m'ouvrir à la compréhension des gens, c'est-à-dire que les gens parfois réagissent d'une manière qui ne nous paraît pas forcément adéquate. Et des fois, on oublie de se poser la question de quelles raisons il peut y avoir derrière. Je pense que ça m'a très vite appris à ne jamais vraiment juger un comportement d'une personne sans réellement savoir ce qu'il y a derrière et sans les connaître parfaitement. Ça m'a appris à être plus ouverte et compréhensive.


MOI : Tu fais une transition avec la question qui arrive. Est-ce qu'aujourd'hui ça te rend plus sensible ou plus attentive à la santé mentale des autres ?


MA FILLE : Je pense que ça me rend plus sensible à la compréhension, c'est-à-dire que je pense y avoir été sensibilisée et donc être plus ouverte à comprendre les gens, à réellement les entendre. Je pense que ça m'a ouvert également au fait de comprendre, finalement, les gens qui peuvent se trouver dans des situations qui sont plus compliquées et hors de la norme, comme on pourrait dire. Sur ça, ça m'a beaucoup aidée à être compréhensive et ouverte. Je pense aussi que ça peut m'avoir rendue plus dure par certaines choses, dans le sens où... Je pense que t'ayant vu te laisser aller d'une certaine manière à ça et prendre la route plus facile, et t'ayant vu te battre également, je peux être plus dure avec les gens qui s'y laissent aller, dans le sens où, premièrement, je comprends ce que ça fait à la personne elle-même, je comprends ce que ça peut faire aux autres, et je comprends surtout que c'est quelque chose qui est... ça se dit pas invincible. C'est quelque chose contre lequel on peut se battre. C'est quelque chose qui n'est pas définitif. Je n'ai pas le mot que je cherche.


MOI : On peut en guérir.


MA FILLE : On peut en guérir tout à fait. Et puis, en fait, on peut se battre contre finalement. S'y laisser aller, c'est une forme de voie de facilité. Et c'est quelque chose que j'ai remarqué du coup avec toi. Que finalement, même si des fois ça pouvait paraître dur, tu pouvais te battre contre. Et je pense que je peux être un peu plus dure envers les personnes qui s'y laissent aller trop facilement et trop souvent.


MOI : Si tu devais expliquer à quelqu'un comment c'est de vivre avec une maman agoraphobe, qu'est-ce que tu dirais ?


MA FILLE : Je pense que c'est une expérience qui peut être assez complexe, mais l'important est de toujours rester ouverte et de toujours essayer de réfléchir à la situation. C'est-à-dire que, comme on disait précédemment, certaines situations ne sont pas toujours en rapport qu'avec nous. De ce fait, il est très important de pouvoir réellement réfléchir à ce qui se passe et à savoir prendre du recul sur les choses. Je pense qu'il est important de rester ouvert et de surtout garder sa capacité à réfléchir dans le sens où, comme on l'a dit précédemment, Certaines situations ne sont pas toujours totalement en rapport avec nous, ni avec qui que ce soit d'autre d'ailleurs, et que si on n'a pas cette capacité à rester ouvert et si on ne se force pas nous-mêmes à faire cet effort d'ouverture et de réflexion, ça peut être beaucoup plus dur à vivre que ça ne l'est réellement. Et on peut le prendre bien plus personnellement que ça l'est réellement également. Je pense qu'une des choses les plus importantes que j'ai apprises de cette expérience, c'est vraiment l'importance de réfléchir aux choses dans la vie, de manière générale, et non pas de rester bloquée sur la première impression. C'est-à-dire que finalement, quand on reste réellement ouvert à vraiment analyser une situation, premièrement, on peut mieux la gérer, parce que du coup, on ne sera pas bloquée. Et secondement... Une fois qu'on essaie de comprendre la personne, tout se passe de manière beaucoup plus douce que ce soit pour nous, autant que ça l'est pour la personne. Donc je pense que vraiment la chose la plus importante que j'ai retenue de ça, c'est vraiment de prendre le temps dans toute forme de situation, de réfléchir et analyser les choses et de prendre du recul de manière à réellement comprendre ce qui se passe et même si on ne comprend pas, de comprendre que ce n'est pas forcément nous le centre de la chose. De pouvoir être là pour la personne finalement, car on ne peut pas l'être si on est bloqué ou si on est vexé. Ou si on n'essaie pas de comprendre que la personne n'a pas forcément des réactions qui sont toujours logiques à notre sens.


MOI : Et je comprends vraiment ce que tu veux dire, mais ça tu l'as compris à quel moment?


MA FILLE : Tard, je l'ai compris. En fait, je pense que je l'ai compris quand j'ai commencé à grandir. Je pense que j'ai dû le comprendre vers le lycée. J'ai commencé à le comprendre, en fait, parce que certaines réactions dont on parlait tout à l'heure, elles étaient vraiment loin de ce dont j'avais l'habitude au lycée ou avec d'autres membres de la famille, avec mes amis ou quoi que ce soit. Et du coup, je ne comprenais pas, en fait. Je ne comprenais pas. Pourquoi ces réactions avaient la place avec toi et pas avec d'autres personnes ? Je ne comprenais pas beaucoup de choses. Et c'est en fait ce manque de compréhension qui m'a poussée à vraiment réfléchir, à vraiment chercher une solution. Et c'est en vraiment essayant d'analyser ces moments-là que j'ai compris les liens qu'il y avait, par exemple. Quand à certains moments, tu avais ce genre de réaction, j'essayais de faire le lien avec ce qui se passait avant et d'autres choses qui s'étaient passées et qui m'ont fait comprendre que finalement, il y avait un schéma. Il y avait des répétitions finalement et que ces réactions-là ne venaient pas nécessairement après que moi, j'ai fait une erreur, mais après d'autres éléments extérieurs qui étaient répétitifs.


MOI : Aujourd'hui, je sors de la maison, je prends le train, on peut partir en vacances. Est-ce que tu es fière de ce combat que j'ai mené et du fait qu'aujourd'hui je suis quand même quasiment guérie.


MA FILLE : Je pense que je suis très fière du combat que tu as mené, je suis très fière que tu sois guérie de ça. Je pense que je l'apprécie tout particulièrement dans le sens où ayant moi-même eu quelques expériences avec avoir des aspects négatifs de la santé mentale qui ne sont ni similaires ni proches, je... Je peux comprendre particulièrement que ça peut être très dur à combattre. Je peux comprendre également que ça peut être très dur à vivre. Et je pense que j'ai une appréciation particulière du combat que tu as mené par rapport à ça. Une appréciation particulière également de ce que tu as pu ressentir à ce moment-là. Parce que je pense que, outre le fait que ça peut être dur pour moi, c'était particulièrement dur pour toi. Et donc je pense que j'apprécie vraiment particulièrement le fait que... tu l'as vécu et que tu l'as vaincu. Je trouve que c'est une des plus grosses batailles qu'on a dans la vie. Parce que c'est une bataille interne, finalement. Personne ne peut la voir, personne ne peut la comprendre, personne ne peut vraiment t'aider. C'est vraiment interne à toi. Et je pense que c'est très beau et j'en suis très fière.


MOI : Qu'est-ce que tu aimerais dire à un adolescent dont le parent vit une situation similaire à celle qu'on a traversée ?


MA FILLE : Je pense que si je venais à parler à quelqu'un qui était dans ma position à l'époque. La chose que je dirais en première, c'est de... Il est très important de ne pas prendre les choses personnellement. Il est vraiment important de savoir prendre du recul sur la situation et de savoir être là pour la personne. Parce que si on prend les choses personnellement et qu'on n'essaie pas de comprendre la personne en face, la seule réaction qu'on peut réellement avoir c'est être bloqué, être vexé et prendre de distance avec la personne d'une certaine manière, de distance émotionnelle je veux dire. Et cette réaction là, en plus de rendre la chose pire pour nous, elle la rend pire pour l'autre qui a justement besoin d'aide ou qui a besoin de se sentir entourée et qui se sent plus rejetée qu'autre chose et ça peut aussi rendre la situation pire dans le sens où cette personne en face elle peut être justement angoissée, elle a des troubles à faire certaines choses et en fait finalement avoir cette mauvaise relation dans un cercle familial aussi proche ça rend pire finalement les mauvaises réactions. C'est le seul... outcome. C'est la seule finalité qui puisse arriver. Donc je pense que vraiment l'important c'est de rester ouvert, de prendre du recul et encore une fois je ne dirais jamais assez de réfléchir et analyser les situations parce que c'est un cas de figure qui est tellement spécifique que notre logique à nous ne peut pas comprendre. Parce que quand on ne le vit pas, c'est pas logique ce qui se passe. Les réactions ne sont pas logiques, les peurs ne sont pas logiques. C'est comme une phobie. Pour certaines personnes, un serpent, ça peut faire hurler, courir. Pour une autre personne, on peut le prendre dans les mains. En fait, ce n'est pas une logique. Et donc la seule manière d'être là pour la personne mais aussi d'être là pour soi-même, c'est de vraiment essayer de comprendre, de vraiment essayer d'analyser et de vraiment rester ouvert à ça. C'est vraiment la seule chose que je dirais et ça aide aussi énormément à ne pas le prendre personnellement.


MOI : Si tu pouvais retourner dans le passé et dire quelque chose à toi-même, adolescente, pendant cette période, ce serait quoi ?


MA FILLE : Je pense qu'on va rester sur le même thème sur cette question, parce que si mon conseil à autrui serait de prendre du recul et d'analyser, mon conseil à moi-même serait le même. Je pense que j'étais trop jeune à l'époque pour réellement comprendre un concept basique finalement de l'humanité, qui est que chaque personne finalement a toujours une vie entière qui est séparée de la nôtre. De ce fait... Dans une interaction sociale, dans une action, un travail, peu importe quoi, ce qui ressort et ce qui va être visible de l'extérieur, ce n'est généralement que 10% de ce que la personne ressent et ce que la personne a vécu. Et c'est quelque chose qu'on ne comprend pas forcément quand on est petit. C'est-à-dire que je pense que ce que je me dirais, c'est que je m'apprendrais cette leçon de vie justement qui est que la réaction qu'une personne peut avoir, les mots qu'une personne peut avoir, les actions qu'une personne peut avoir ne sont pas toujours en rapport avec la situation présente, avec les mots présents, avec les choses que je peux voir. Et c'est quelque chose qui s'applique à beaucoup de choses et beaucoup de personnes. dans la vie et c'est très important spécifiquement dans ce genre de situation parce qu'on comprend encore moins et on voit encore moins les choses. Je pense que ce que je me dirais à l'époque, c'est m'apprendre cette leçon de vie, je me dirais de toujours essayer de comprendre outre ce que je vois et si je ne comprends pas, de se rappeler. que je ne vois pas tout et que je ne sais pas tout et que tout n'est pas toujours en rapport avec ce que je vois et ce que je comprends. C'est la leçon la plus importante et c'est ce qui m'aurait le plus servi à premièrement, ne pas prendre les choses personnellement, à ne pas prendre les choses pour moi, finalement.


MOI : Est-ce que tu as des choses à rajouter ? Alors, moi, j'ai le souvenir, enfin, je pense que tout ça a eu une incidence sur toi, puisque, en fait, il y a eu... plusieurs nuits où je me suis réveillée et où je t'ai réveillée, en fait. Il y a eu des nuits où j'ai fait des crises d'angoisse et je t'ai appelée au secours. À plusieurs reprises. Tout à fait. Ça, ça a eu des incidences sur toi ?


MA FILLE : Je pense que ça a eu des incidences sur moi dans le sens où ça a eu une incidence sur mon sommeil. Pendant une certaine période, après justement cette période, j'ai eu le sommeil très léger et je ne dormais que d'un oeil, finalement. Parfois même dans mon sommeil, je t'entendais dire mon prénom. C'est vrai que ça a eu une incidence, après je ne sais pas si c'est forcément négatif ou autre. Je pense que oui, c'est important, c'est important parce que finalement je l'ai vécu avec toi. On vivait ensemble, le week-end on le passait ensemble, donc c'est-à-dire que si tu ne sortais pas, je ne sortais pas parce que j'étais trop petite. Et pareil, la nuit, si tu ne dormais pas finalement, je me retrouvais à ne pas dormir non plus. Et c'est vrai que j'ai eu du coup cette sensibilité dans mon sommeil à me réveiller pour un tout et pour un rien en ayant peur que ce soit toi. Mais c'est quelque chose qui s'est réglé avec le temps, tout seul. C'est vrai que ça a été une partie de... de notre chemin vers une avancée plus saine.


MOI : As-tu autre chose à rajouter ?


MA FILLE : Autre chose à rajouter ? Oui, je pense que je pourrais parler d'une chose pour les personnes qui peuvent avoir le même ressenti que tu as eu à l'époque. Surtout avec des enfants du coup, parce que j'ai l'impression qu'à beaucoup de reprises, particulièrement à cette époque-là, ton angoisse que tu as pu ressentir par rapport à sortir et à être dehors, être autour de gens, elle a pu être traduite à plusieurs reprises sur moi et sur les activités que moi je voulais avoir. Et ça a pu me limiter plus dans mes mouvements ou alors m'angoisser plus à sortir. Ça a pu me traduire à moi une angoisse à certaines situations qu'on n'a pas forcément à 14-15 ans. Et ça a pu me limiter aussi dans ce que j'ai fait, dans le sens où certaines situations je ne trouvais pas assez sécurisantes et que je n'ai pas pu faire. D'autres situations qui ont nécessité tellement de négociations que j'ai fini par moi-même être angoissée de le faire. Et je pense que c'est quelque chose, quand on a ce genre de ressenti, à contrôler. Enfin, pas forcément contrôler, mais auquel faire attention. Parce que c'est vrai qu'un enfant n'a pas forcément toujours ces poids à apporter. L'enfance est faite finalement pour grandir, faire ses erreurs, apprendre de la vie, c'est les seuls moments où on découvre finalement. Et je pense que c'est quelque chose auquel il faut également faire attention. Oui, je pense.


MOI : Mais tu vois, c'est ta perception et elle est plus que légitime. Mais moi, j'avais l'impression d'essayer aussi également de te protéger de ça. Donc, quoi qu'il arrive, de toute façon, tu es une fille. Donc, les parents sont inquiets quand une fille sort. Mais j'ai l'impression quand même d'avoir toujours... On est entouré de famille. J'ai toujours fait en sorte, si t'avais une soirée, si t'avais des trucs spécifiques à faire, qu'il y ait quelqu'un qui t'amène et qui te ramène. Même si moi, je ne pouvais pas le faire, on a quand même toujours... Si quelque chose de tenait à cœur, que t'avais vraiment envie de le faire. Il y a eu ta famille autour de toi qui a fait le chauffeur, on va dire.


MA FILLE : Alors, c'est vrai qu'à plusieurs reprises, c'est ce qui s'est passé. Et ça a été une vraie aide. Cependant, ce qui rentre là-dedans, ce n'est pas que ça. C'est également, comme je le disais plus tôt, la quantité de négociations qui rentraient dans une sortie qui pourrait paraître tout à fait simple. Finalement, ça créait pas forcément une angoisse, mais ça créait un stress chez la personne en face parce que, premièrement, j'avais l'impression à un certain moment de faire quelque chose de tout à fait anormal et de te causer beaucoup d'angoisse volontairement, alors que c'était quelque chose de normal en grandissant. Et secondement, qui m'a créé chez moi aussi un stress et une peur, parce que du coup, tu paraissais tellement angoissée que j'ai récupéré finalement, j'ai fait l'éponge et j'ai récupéré beaucoup de ces peurs qui n'avaient pas forcément le lieu d'être. Ce qui a pu être compliqué et ce qui m'arrive encore des fois aujourd'hui, dans certaines situations qui paraissent normales, non, dans certaines situations que tu n'aimais pas et que je savais que tu n'aimais pas et que tu ne laissais pas faire, encore aujourd'hui, à 21 ans. Quand il m'arrive de les faire, je peux être bien plus angoissée et stressée de le faire alors qu'il n'y a rien de spécial à l'activité. Juste parce que j'ai gardé ces... J'ai gardé ces restes de c'est pas bien, il faut sécuriser, il faut faire attention, et ça peut parfois enlever une partie du fun de l'activité, qui est finalement une activité normale et commune à tous.


MOI : Est-ce qu'aujourd'hui tu te sens angoissée ? Moi j'ai l'impression que tu es extrêmement à l'aise dans la vie, tu prends le train, tu prends l'avion, tu voyages. Aujourd'hui... T'es quelqu'un de libre et qui fait plein de choses, et j'ai pas l'impression que tu sois angoissée en fait.


MA FILLE : Alors, je pense pas pouvoir dire le mot angoissée, mais je pense que je peux être plus facilement stressée par des situations... Je peux être plus facilement stressée par des situations qui en fait finalement n'ont pas de problème. Par exemple des situations telles que être dans le bus et il fait noir et je ne vois pas où je suis. Je ne vois pas à quel arrêt je suis ni dans combien d'arrêts je descends. Ça peut être quelque chose qui me met une pointe au cœur dans le fait que j'avais l'habitude que... dans ce genre de cas, pour venir me chercher, ça puisse être bien compliqué. Alors qu'au jour d'aujourd'hui, il me suffit de prendre un bus dans l'autre sens, de prendre un Uber, de marcher si j'arrête mon arrêt de bus. C'est vraiment pas des problèmes, alors qu'il y a des situations comme ça qui peuvent m'angoisser. Ou alors, encore une fois, les situations que tu n'aimais pas et que tu n'aimes toujours pas finalement, même si elles sont anodines, à chaque fois que je les fais, je suis stressée. Et finalement, j'en profite beaucoup moins qu'en temps normal alors qu'il n'y a pas réellement de danger. C'est juste, je te t'entends et je te vois dans ma tête. Mais oui, non, il y a des situations où je peux être plus stressée. Le fait est que pour moi, ce n'est pas une maladie. Donc pour moi, c'est bien plus simple de passer au-dessus. Je peux être stressée. On est tous stressés dans le quotidien. Que ce soit un examen un partiel, une deadline au travail, on est tous stressés au quotidien. Et ce genre de stress, comme ce ne sont pas forcément des maladies ou des angoisses, elles sont gérables. Elles sont tout à fait gérables, mais c'est vrai que je peux en garder dans la vie courante.


MOI : Alors moi j'ai quelque chose à rajouter. Donc effectivement, ma maladie, on en a parlé, enfin c'est pas un sujet tabou à la maison, on en a parlé régulièrement. Mais ce que tu me dis aujourd'hui pour cette interview, c'est la première fois que tu me le dis. On en a toujours parlé, enfin, ce n'est pas un tabou, on en parle. Mais il y a beaucoup de choses que tu dis aujourd'hui que tu ne m'as jamais dites avant.


MA FILLE : Je pense qu'il y a deux raisons pour lesquelles je ne les ai pas dites avant. La première était que je pense que ce n'était pas le moment de te rajouter du poids. Je pense que tu gérais au mieux que tu pouvais avec le contexte que tu avais, et que te rajouter du négatif et des contraintes, c'était vraiment pas la manière d'approcher la situation, là pour toi c'était vraiment un combat, et pour moi ça l'était beaucoup moins. Ça l'était beaucoup moins. Je pense aussi que... Je ne me rendais aussi pas compte que ce n'était pas toujours normal. J'étais encore jeune, je n'ai qu'un parent, je n'ai pas plusieurs couples de parents, donc mon expérience parentale était unique, et donc je ne pense pas m'être rendue compte tout de suite que ce n'était pas forcément la normalité. Et je pense également que cette situation et ce contexte pour grandir m'a rendue quand même assez indépendante, puisque dès que je sortais... C'était seul, j'allais à l'école seule, je sortais avec des amis seule, ça m'a rendu très indépendante et je pense que du coup j'ai peut-être pris cette habitude de faire des choses seule, de gérer seule, j'ai pris cette habitude en fait finalement du coup beaucoup analyser les situations, j'ai pris cette habitude de beaucoup réfléchir et en fait finalement je pense que j'ai beaucoup réfléchi. Je pense que j'ai moins du coup ce besoin d'exprimer ces choses-là parce que de moi-même, j'ai cette capacité à justement les voir, ne pas avoir de déni dessus, les analyser et les gérer toute seule. Et je pense que c'est peut-être une capacité qui n'est pas toujours présente à mon âge, ce qui fait qu'on a besoin de plus de conseils parentaux à ce niveau-là. Je pense que c'est quelque chose que cette expérience justement m'a permis d'acquérir. Et donc je pense finalement ne pas avoir eu vraiment besoin d'aide à ce sujet et je pense aussi, je pense aussi que, comme on a dit à cette époque, des fois parler pouvait être comparable à marcher sur des oeufs, parce que je ne savais pas forcément toujours quelle journée avait été bonne pour toi et quelle journée ne l'avait pas été. Et je pense que ce genre de conversation, dans ma tête en tout cas, peut-être que non, mais dans ma tête pouvait facilement virer au vinaigre. Et donc je pense que c'est des conversations que je gardais pour moi au maximum pour avoir avec toi le plus de positif possible, pour justement marcher le moins possible sur ces oeufs.


MOI : En ce qui concerne l'indépendance, je crois, ma fille, qu'on ne le saura jamais. Parce que moi, mon souvenir... Déjà, à un an, un an et demi, tu tenais absolument à mettre tes chaussures toute seule, à fermer tes boutons toute seule, à t'habiller toute seule. Pour moi, l'indépendance, c'est vraiment quelque chose qui était intrinsèque. Alors, on ne le saura jamais, mais j'ai quand même le souvenir de cet enfant qui tenait absolument à se démerder toute seule.


MA FILLE : C'est vrai que c'est un trait de caractère qui m'est vraiment personnel. Après, je pense qu'on ne saura jamais réellement le lien que ça a eu. Par contre, je pense que ça a eu un lien avec le fait que je prenne mes responsabilités toute seule plus vite. Je pense que j'ai eu peut-être plus de responsabilités que quelqu'un de mon âge en aurait eu, parce que selon un certain degré, dans beaucoup de situations, je savais pertinemment que si j'avais un problème, je ne pouvais pas t'appeler et que tu viennes me chercher. Il fallait que je t'appelle, que tu appelles papy, que tu vois qui c'est qui pouvait sortir du travail. Ça allait être long et compliqué.


MOI : Mais tu as toujours su qu'il y avait une solution. Quoi qu'il arrive, il y avait une solution. Il y a toujours quelqu'un qui est venu te chercher ou à ton secours, entre guillemets.


MA FILLE : J'ai toujours su qu'il y avait une solution, mais j'ai toujours aussi su que ça pouvait être compliqué. Et de ce fait-là, j'ai beaucoup plus pris mes responsabilités beaucoup plus vite. C'est comme me réveiller la nuit. J'ai très vite eu plus de responsabilités. Et je pense que ça... a grandi cette indépendance, finalement. Ou alors, peut-être que ça l'a fait accélérer.


MOI : Parce que j'ai envie de te dire, compliqué sans l'être. Parce que de toute façon, quoi qu'il arrive, ok, travail, pas travail, mais quoi qu'il arrive, je pense que dans la famille, t'étais une priorité. On s'en fout qu'on travaille ou qu'on travaille pas. Tout le monde, si t'avais quoi que ce soit, tout le monde venait te voir.


MA FILLE : Je pense que j'étais une priorité, mais je pense aussi que justement, cette angoisse que tu pouvais avoir, si par exemple je venais à sortir après l'école, faire du shopping ou que ce soit avec des amis et me retrouver sans bus, je n'aurais pas juste pu t'appeler pour que tu viennes me chercher, je pense que j'aurais dû t'appeler pour que quelqu'un vienne me chercher. Ça aurait pris premièrement plus de temps, le temps de faire le téléphone arabe. Et je pense également que je savais pertinemment que ça allait me retomber dessus beaucoup plus fort parce que ça devrait angoisser. Tu n'aurais pas juste été énervé ou tu m'aurais pas juste passé un savon parce que j'ai pas été responsable, tu aurais été très angoissée. Et donc, je savais pertinemment que je devais prendre mes responsabilités parce que beaucoup de mes actions tomberaient sur toi, beaucoup plus fort que sur un autre parent, en fait. J'ai toujours su que si je n'étais pas droite, ça t'angoisserait, ça te rajouterait un poids dont tu n'as pas besoin. D'où le fait que je pense que j'ai pris plus vite des responsabilités et plus vite de l'indépendance. Mais c'est vrai que pour l'indépendance, on ne saura jamais.


MOI : Pour l'indépendance, on ne saura jamais parce que... Oui, Depuis toute petite, tu veux t'habiller seule, tu veux manger seule, mais vraiment... Oui, je pense que même le biberon, on ne pouvait pas te le donner. Il fallait que tu le prennes toi-même à la main seule. Sache-le.


MA FILLE : Je n'ai pas de souvenir.


MOI : Même le biberon, il fallait te le donner dans la main et il fallait que tu le prennes seule.


MA FILLE : Alors c'est intrinsèque.


MOI : Il y a des choses qui sont... Non, il y a des choses qui ont joué, mais il y a un terrain... Tu as un terrain à l'indépendance, je pense. Je pense que... Depuis toute petite, depuis bébé, ça fait vraiment partie de ton caractère.


MA FILLE : C'est un bon trait de caractère, ça me convient.


MOI : C'est un excellent trait de caractère. Je te remercie énormément d'avoir fait cette interview avec moi. Comme vous pouvez le constater, cette petite a 21 ans, elle est extrêmement mature. Je suis extrêmement fière de ma fille, que je remercie encore une fois pour cette interview.


Si cet épisode vous a plu, pensez à vous abonner, à laisser une petite note ou un commentaire, et surtout, partager autour de vous. Vos retours, c'est ce qui me donne la motivation de continuer ce défi un peu fou. Merci pour votre écoute et on se retrouve demain pour la suite du défi JANVOIX.



 
 
 

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